Vigile pascale
De l’Evangile selon saint Matthieu
au chapitre 28, versets 1 à 10
Après le sabbat, à l’heure où commençait à poindre le premier jour de la semaine, Marie Madeleine et l’autre Marie vinrent pour regarder le sépulcre. Et voilà qu’il y eut un grand tremblement de terre ; l’ange du Seigneur descendit du ciel, vint rouler la pierre et s’assit dessus. Il avait l’aspect de l’éclair, et son vêtement était blanc comme neige. Les gardes, dans la crainte qu’ils éprouvèrent se mirent à trembler et devinrent comme morts.
L’ange prit la parole et dit aux femmes :« Vous, soyez sans crainte ! Je sais que vous cherchez Jésus le Crucifié. Il n’est pas ici, car il est ressuscité, comme il l’avait dit. Venez voir l’endroit où il reposait. Puis, vite, allez dire à ses disciples : ‘Il est ressuscité d’entre les morts, et voici qu’il vous précède en Galilée ; là, vous le verrez.’ Voilà ce que j’avais à vous dire. »
Fresque de l’Anastasis
Musée de Chora, Constantinople (détail)
Sortir pour ressusciter
homélie pour la vigile pascale
Comme toujours, la liturgie nous invite à nous déplacer, mais ce soir nous n’avons pas besoin de remplir une attestation pour sortir: le déplacement à vivre est tout intérieur. Ce n’en est pas moins un vrai déplacement : avec Marie Madeleine et l’autre Marie, il nous faut sortir de nos maisons, de nos habitudes, de nos certitudes pour nous rendre vers nos tombeaux ; tous ces lieux de mort, ces lieux où un christ mort a été déposé ; tous ces lieux où le Christ n’est plus vivant et opérant en nous et pour nous.
Chacun a pu rejoindre maintenant le sépulcre où « son » jésus, mort, inerte, a été déposé. Et là, comme Marie Madeleine, nous avons tendance à nous lamenter sur notre sort, sur ce temps de crise, d’épreuves et de souffrances que nous vivons ; sur ces privations qui nous sont imposées : pour nous frères et sœurs de Jérusalem : privation de travail, d’accueil, de touristes, de pèlerins, de fidèles, d’amis ou d’inconnus. Pour les fidèles laïcs : privation de travail, de relations amicales, de sorties, privation de messe, d’eucharistie, d’église pour se recueillir et prier (quelques uns, un peu moins nombreux ressentent le manque de pouvoir confesser leurs péchés). Tout semble nous manquer, tout semble vaciller, sur le point de s’effondrer (Notre Dame de Paris n’a jamais paru aussi fragile qu’aujourd’hui) et pourtant Pâques n’a pas été différée et c’est bien la résurrection de notre Seigneur Jésus qui sera célébrée par le pape dans une basilique saint Pierre étrangement vide, fermée aux fidèles. Même au saint Sépulcre fermé lui aussi, on pourrait presque entendre l’ange annoncer haut et fort : « Il n’est pas ici, car il est ressuscité comme il l’avait dit. » Cette annonce résonne-t-elle encore comme un tremblement de terre, pour nous ?
« Vous, soyez sans crainte ! Je sais que vous cherchez Jésus le Crucifié, il n’est pas ici, car il est ressuscité, comme il l’avait dit. » Venez voir l’endroit où il reposait, déplacez-vous, approchez-vous de tous ces lieux, toutes ces habitudes, ces répétitions. Ce travail qui est devenu machinal et vécu comme aliénant ; ces relations difficiles avec ces collègues ; cette routine désormais installée dans les relations familiales ou communautaires ; ces prières dites sans cœur et sans amour, ces rites auxquels vous assistez de façon automatique et qui, au fil des années ont perdu toute saveur, toute la fraîcheur d’une bonne nouvelle qui donne la vie. Regardez bien, vous voyez qu’il n’est pas ici, qu’il n’est plus ici depuis longtemps déjà. Ne vous êtes-vous pas habitués à son absence ? Résignés à son absence ? Le tombeau est vide mais vous ne vous êtes pas approchés ; pour quelle raison ? La joie, la fraîcheur des débuts, celle de l’enfant qui s’émerveille de tout car en tout il sait découvrir le trésor de vie et de nouveauté que chaque instant contient, chaque rencontre, chaque événement contient, cette joie, ne vous manque-t-elle pas ?
Jésus est vivant, il est ressuscité, mais pas ici, pas dans ces lieux de mort. C’est ailleurs qu’il doit être cherché, c’est différemment qu’il doit être cherché. Sortez, allez vous même dire à ses disciples : « il est ressuscité d’entre les morts, et voici qu’il vous précède en Galilée, là vous le verrez. »
Seul l’amour peut faire sortir ces femmes du tombeau. Cet amour qui a été réveillé à l’annonce de l’ange ; cet amour qui chasse toute crainte. Seul l’amour peut les mettre en route vers leurs frères et leur annoncer cette bonne nouvelle. Seul un cœur qui aime peut croire et espérer contre toute espérance. Le cœur qui a rencontré le Seigneur Jésus cherche partout sa trace et au moindre indice, les battements de ce cœur s’emballent, rempli à la fois de crainte et d’une grande joie, il se met en route, même sans savoir ce que signifie exactement : « Il est ressuscité ».
Alors qu’elles sont encore en route vers leurs frères, c’est Jésus en personne qui vient au devant d’elles et qui les salue : « Soyez sans crainte, allez annoncer à mes frères qu’ils doivent se rendre en Galilée : c’est là qu’ils me verront. »
La résurrection de Jésus nous propulse en avant, elle nous projette délicatement vers nos frères. Alors seulement, Jésus peut nous rejoindre, et confirmer le message de l’ange, puis il disparaît pour que nous le cherchions partout, en tout et en tous, avec nos frères. Le ressuscité nous appelle à sortir du tombeau, il nous appelle à passer de la mort à la vie, une vie qui naît quand nous décidons de mourir à nous-mêmes pour nous ouvrir à la radicale nouveauté d’un plus grand amour. La résurrection n’est-elle pas ce sel que Jésus nous demande d’avoir en nous-mêmes ? Ce sel qui s’unit et disparaît ; ce sel qui donne toute sa saveur à l’existence. La résurrection, la Vie, c’est Jésus. Et pour vivre de la résurrection, pour vivre en ressuscités, il faut accepter de se mettre en marche à sa suite ; de tout quitter pour lui, de quitter ce qui est ancien et qui ne peut que vieillir et mourir. Il faut accueillir la grâce et se laisser transformer par l’Esprit saint qui vient faire toute chose nouvelle. Il faut accepter, désirer vivre pour lui, s’oublier en lui. Il faut l’aimer, lui qui nous a aimé le premier.
Christ est ressuscité et il n’y a plus personne dans les tombeaux
Que tous ceux qui cherchent Dieu et qui aiment le Seigneur viennent goûter la beauté et la lumière de cette fête ! Que tout serviteur fidèle entre avec allégresse dans la joie de son Maître ! Que celui qui a porté le poids du jeûne vienne maintenant recevoir le denier promis ! Que celui qui a travaillé dès la première heure reçoive aujourd’hui son juste salaire : quelqu’un est-il venu à la troisième heure ? Qu’il célèbre cette fête dans l’action de grâce ! Que celui qui est arrivé seulement à la sixième heure soit sans crainte : il ne sera pas frustré. S’il en est un qui a attendu jusqu’à la neuvième heure, qu’il s’approche sans hésitation. Et même s’il en est un qui a traîné jusqu’à la onzième heure, qu’il n’ait pas peur d’être en retard ! Car le Seigneur est généreux : il reçoit le dernier aussi bien que le premier. Aussi bien, entrez tous dans la joie de votre Seigneur ! Et les premiers et les seconds, soyez comblés. Riches et pauvres, communiez dans la joie. Avez-vous, été généreux ou paresseux ? Célébrez ce Jour ! Vous qui avez jeûné et vous qui n’avez pas jeûné, aujourd’hui réjouissez-vous !
Venez tous goûter au banquet de la foi, venez tous puiser aux richesses de la miséricorde. Que personne n’ait peur de la mort : la mort du Sauveur nous en a délivrés. Il a désarmé l’enfer, celui qui est descendu dans nos enfers ! Il l’a jeté dans l’effroi pour avoir touché à sa chair. Cela Isaïe l’avait prédit : «L’enfer dans ses profondeurs frémit à ton approche». Il a été frappé d’effroi parce qu’il a été réduit à rien ; il a été frappé d’effroi parce qu’il a été joué. Il a été frappé d’effroi parce qu’il a été mis à mort ; il a été frappé d’effroi parce qu’il a été anéanti. Il avait saisi un corps et il s’est trouvé devant un Dieu ; il avait pris de la terre et il a rencontré le ciel ; il s’était emparé de qui était visible et il est tombé à cause de l’invisible. «Mort, où est ta victoire ? Où est-il, ô mort, ton aiguillon ?»
Christ est ressuscité et te voici terrassée. Christ est ressuscité et le prince de ce monde a été jeté dehors. Christ est ressuscité et les anges sont dans l’allégresse. Christ est ressuscité et voici que la Vie déploie son règne. Christ est ressuscité et il n’y a plus personne dans les tombeaux. Oui, Christ est ressuscité des morts, prémices de ceux qui se sont endormis. À lui la gloire et la puissance, dans les siècles des siècles ! Amen.
Ecouter le texte et une improvisation musicale à la kora
L’icône de la descente aux enfers
présente dans notre liturgie
Que la joie de la résurrection vous rejoigne avec force et douceur !
Bien fraternellement,
les frères et sœurs de Vézelay
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