Chers amis, 

     
vous avez été nombreux à nous dire que les envois pendant la semaine sainte vous ont aidés à vivre ces jours… Nous sommes heureux d’avoir pu partager ainsi avec vous, même à distance, le cœur de notre foi  !
     Le confinement dure, et pour certains la solitude devient pesante, la fatigue et l’inquiétude se font plus lourdement sentir. Nous prions pour vous tous chaque jour, spécialement en célébrant l’eucharistie dans la basilique. Mais nous avons pensé que nous pourrions continuer à faire un bout de chemin ensemble. Il faut marcher, et même parfois dans le mauvais sens, comme ces disciples qui fuient Jérusalem, il faut vivre notre vie telle qu’elle est pour que la résurrection s’y déploie….
     Chaque dimanche vous recevrez lEvangile du jour avec un commentaire pour vous aider à le méditer, avec un texte des Pères de l’Eglise. Et puis nous vous proposons de profiter de ces jours un peu différents pour découvrir une figure qui nous est chère : poète, amie des plus grands auteurs littéraires de son temps, c’est aussi une chrétienne dont la foi n’a jamais été une tranquille certitude, mais au contraire l’aventure d’une vie tourmentée par la soif d’aimer et d’être aimée. Elle est pétillante et pleine d’esprit, mais aussi au bord des plus sombres abîmes certains jours. En tout cela, elle nous ressemble et nous dit aussi que Dieu est présent dans des vies marquées par la souffrance et le doute, des vies toutes simples aussi. Nous espérons que vous aimerez la découvrir ! 
    

De l’évangile de Jésus Christ
selon saint Luc, au chapitre 24, versets 13 à 35

 

        Le même jour (c’est-à-dire le premier jour de la semaine), deux disciples faisaient route vers un village appelé Emmaüs, à deux heures de marche de Jérusalem, et ils parlaient entre eux de tout ce qui s’était passé. Or, tandis qu’ils s’entretenaient et s’interrogeaient, Jésus lui-même s’approcha, et il marchait avec eux. Mais leurs yeux étaient empêchés de le reconnaître. Jésus leur dit : « De quoi discutez-vous en marchant ? » Alors, ils s’arrêtèrent, tout tristes.


L’un des deux, nommé Cléophas, lui répondit : « Tu es bien le seul étranger résidant à Jérusalem qui ignore les événements de ces jours-ci. » Il leur dit : « Quels événements ? » Ils lui répondirent : « Ce qui est arrivé à Jésus de Nazareth, cet homme qui était un prophète puissant par ses actes et ses paroles devant Dieu et devant tout le peuple : comment les grands prêtres et nos chefs l’ont livré, ils l’ont fait condamner à mort et ils l’ont crucifié. Nous, nous espérions que c’était lui qui allait délivrer Israël. Mais avec tout cela, voici déjà le troisième jour qui passe depuis que c’est arrivé. À vrai dire, des femmes de notre groupe nous ont remplis de stupeur. Quand, dès l’aurore, elles sont allées au tombeau, elles n’ont pas trouvé son corps ; elles sont venues nous dire qu’elles avaient même eu une vision : des anges, qui disaient qu’il est vivant. Quelques-uns de nos compagnons sont allés au tombeau, et ils ont trouvé les choses comme les femmes l’avaient dit ; mais lui, ils ne l’ont pas vu. »
 
     Il leur dit alors : « Esprits sans intelligence ! Comme votre cœur est lent à croire tout ce que les prophètes ont dit ! Ne fallait-il pas que le Christ souffrît cela pour entrer dans sa gloire ? » Et, partant de Moïse et de tous les Prophètes, il leur interpréta, dans toute l’Écriture, ce qui le concernait. Quand ils approchèrent du village où ils se rendaient, Jésus fit semblant d’aller plus loin. Mais ils s’efforcèrent de le retenir :« Reste avec nous, car le soir approche et déjà le jour baisse. » Il entra donc pour rester avec eux.Quand il fut à table avec eux, ayant pris le pain, il prononça la bénédiction et, l’ayant rompu, il le leur donna. Alors leurs yeux s’ouvrirent, et ils le reconnurent, mais il disparut à leurs regards. Ils se dirent l’un à l’autre : « Notre cœur n’était-il pas brûlant en nous, tandis qu’il nous parlait sur la route et nous ouvrait les Écritures ? » À l’instant même, ils se levèrent et retournèrent à Jérusalem. Ils y trouvèrent réunis les onze Apôtres et leurs compagnons, qui leur dirent : « Le Seigneur est réellement ressuscité : il est apparu à Simon-Pierre. » À leur tour, ils racontaient ce qui s’était passé sur la route, et comment le Seigneur s’était fait reconnaître par eux à la fraction du pain.

   Les disciples d’Emmaüs – Arcabas (détail)

 

       Derrière eux, le chemin semble bien biscornu. Devant, on ne sait pas trop: sont-ils sur une route, marchent-ils dans le vide ? Drôles de pèlerins, qui n’ont pas de bâton. C’est cet étranger au milieu qui semble les tenir ensemble et dont la main porte le bâton qui guide leur marche.
 
     Leurs mains à eux semblent trop occupées à dire ce qui les submerge, les corps ne sont pas vraiment en équilibre. 
 
     “Là où deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là au milieu d’eux”. Là où deux, qui se parlent, et peut-être ressassent leur malheur, s’ouvrent à la présence d’un troisième. Là où l’on choisit quand même de s’ouvrir à celui qu’on n’attendait pas. Là où on décide de croire que l’autre peut dire une parole qui va au-delà de ce que nous savons déjà, qu’il va ouvrir une porte sur une autre présence. 
 
     Jésus est là. Les yeux baissés, il écoute, accueille. Il ne dit rien encore. Mais déjà c’est sur lui que ces deux hommes s’appuient, et c’est de lui qu’ils recevront le geste qui changera tout : rompre le pain pour eux. 
    

Jésus, libre pour la rencontre
avec nous, sur la route

   

   

Chers frères et sœurs,

     L’évangile d’aujourd’hui nous dit quelque chose de la manière dont Jésus ressuscité peut rejoindre chacun aujourd’hui personnellement alors que nous pouvons, comme ces deux disciples, être découragés – eux par les événements de la Passion de Jésus, et nous, peut-être devant ce confinement qui dure et la privation d’Eucharistie ?

       Comment Jésus ressuscité nous rejoint-il ? Premièrement, comme avec les disciples d’Emmaüs, Jésus va de préférence vers ceux qui ont le plus besoin du réconfort de sa présence et il s’approche d’eux. Il se fait proche mais il ne s’impose pas. Nous le voyons saluer les disciples sans se faire reconnaître. Peut-être a-t-il d’ailleurs marché un temps sans même parler. Il marchait avec eux, tout simplement.

     Ainsi, Jésus est sans aucun doute présent aux côtés de tous ses disciples encore aujourd’hui. Il ne s’impose pas mais il est là. « Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde » (Mt 28,20) Il vient sans doute à nous d’une façon nouvelle qui nous empêche peut-être de le reconnaître.

     Ainsi en est-il pour Cléophas et l’autre disciple. Jésus est pour eux quelqu’un qui vient d’ailleurs. Quelqu’un qu’ils ne connaissent pas. Le temps que nous vivons est sans aucun doute un temps où Dieu nous invite à découvrir un autre visage de son Fils Jésus, un autre aspect de sa présence de ressuscité auprès de ceux qui ont en lui mis leur foi et leur espérance, et dont nous sommes. Nous avons sans doute encore beaucoup à découvrir en nos vies et en nos cœurs sur la faculté qu’a le Seigneur de passer toutes les portes, de franchir tous les obstacles pour réconforter, raffermir, sanctifier, aimer, relever ceux qu’Il veut ensuite envoyer annoncer qu’Il est vraiment vivant.

       Deuxièmement, Jésus rejoint ses disciples par le moyen des Écritures. C’est en leur expliquant ce qui le concerne dans les Écritures que le visage de Jésus, progressivement, devient plus familier aux deux disciples et que leur cœur devient tout brûlant. Ils comprennent mieux que l’injustice, la douleur, la souffrance et même la mort en croix ne sont pas des catastrophes, comme la fin d’un drame qui finit mal. Tout cela était prévu et annoncé. Mais les disciples n’avaient pas compris… Ils écoutent maintenant et leur esprit s’ouvre enfin à l’intelligence des Écritures. L’épisode des disciples d’Emmaüs, c’est notre histoire à nous. C’est nous qui marchons à la nuit tombante, c’est nous qui traversons des moments difficiles, c’est nous qui vivons peut-être, la maladie, la douleur et parfois la mort d’un être aimé. Lire les événements actuels de l’histoire à la lumière des Écritures, servira alors à renforcer notre certitude de disciple que le mal ne l’emportera pas et nourrira notre espérance qui est placée dans l’au-delà de cette vie, sur le rivage de l’éternité où Jésus veut nous voir parvenir un jour.

     Aujourd’hui encore, Jésus marche avec nous, mais nous ne le voyons pas. Les Écritures peuvent nous aider à le voir là où nous vivons et en ce que nous vivons maintenant.

     Vient enfin le moment du repas, ce repas eucharistique dont la plupart d’entre nous sont privés. Voyons quelle nourriture spirituelle nous pouvons retirer de ce moment. Cette privation de communion au Corps du Christ pour beaucoup d’entre nous est douloureuse, mais elle peut attiser en nous le désir de communier mieux et plus consciemment à la Présence du Seigneur en son Eucharistie dès que cela sera rendu à nouveau possible. On appelle cela « communion spirituelle ».

      Ce passage de l’évangile nous dit avec clarté, comme tous les récits de la résurrection dans les évangiles, que Jésus est vivant, et qu’il est le maître de la vie, et que des témoins l’ont vu, et qu’ils l’ont touché, et qu’ils ont mangé avec lui. Ce passage nous dit aussi et surtout qu’aujourd’hui, Jésus Ressuscité est avec chacun et chacune de nous où que nous soyons et où que nous en soyons dans nos vies et dans notre foi. Si nous sommes privés du pain eucharistique, l’Écriture Sainte nous parle de lui et pour ceux qui la lisent et la méditent avec foi, la Parole devient présence vivante et agissante.

    Frère et sœurs, les récits des apparitions de Jésus nous montrent sa créativité : Jésus ressuscité est libre ! Il est libre de venir nous trouver comme il le veut et quand il le veut. Vivons dans l’espérance. Que le Christ nous donne à tous sa paix et sa joie. Amen

Donner son amitié,
recevoir la visite de Dieu

 

De saint Grégoire le Grand au VIe siècle

 

       Deux disciples faisaient route ensemble. Ils ne croyaient pas dans le Seigneur, mais ils parlaient de lui quand, soudain, ils le rencontrèrent sous un aspect qu’ils ne purent reconnaître. Le Seigneur rendit sensible à leurs yeux de chair la contradiction qui frappait intérieurement les yeux de leur cœur. Les disciples étaient partagés en effet entre l’amour et le doute ; le Seigneur paraît auprès d’eux, mais ne se laisse pas reconnaître. Ils parlaient de lui : il vient à leur rencontre. Ils doutaient de lui : il leur cache ses véritables traits. Il leur parle et leur reproche l’endurcissement de leur cœur, puis leur dévoile dans l’Écriture les mystères qui le concernaient. Mais, comme il n’était qu’un étranger à leur cœur sans foi, il feignit alors de poursuivre sa route… Louons les disciples d’avoir su alors donner leur amitié à ce pèlerin, eux qui ne pouvaient encore en lui aimer Dieu.

 
        Les disciples apprêtent donc la table, ils lui donnent à manger, et ce Dieu qu’ils n’ont pas reconnu dans la méditation des saints livres, voici qu’ils le découvrent dans la fraction du pain. Ils ne furent pas éclairés en écoutant les commandements de Dieu, ils le furent en les accomplissant : « Ce ne sont pas les auditeurs de la loi qui sont justes aux yeux de Dieu, mais ceux qui la pratiquent qui sont justifiés. » Voulez-vous comprendre les paroles que vous avez écoutées ? Hâtez-vous de mettre en pratique ce que vous avez pu déjà en comprendre. Le Seigneur ne s’est pas laissé connaître en parlant, il s’est découvert en mangeant.   
                                                       
  Homélie 22,1 sur les Évangiles ;PL 76, 1181-1182

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