Dimanche des Rameaux…

sans palmes ni procession, sans buis à rapporter chez soi, ou à porter à ceux qui n’ont pas pu venir. Jésus, pourtant, se tient à la porte, prêt à entrer à Jérusalem, prêt à entrer chez nous.
     Vendredi, nous avons partagé entre soeurs sur le passage de l’Evangile relatant l’entrée de Jésus à Jérusalem. L’une de nous notait l’agitation de la ville quand Jésus s’approche. Elle était allée voir la traduction proposée par sœur Jeanne d’Arc, qui reste au plus près de l’original grec. Elle disait “toute la ville est séismée”.
     Des séismes, nous en avons connus ces derniers temps. Bruyants et pleins de cris de souffrance, ou peut-être terriblement silencieux. Jésus qui vient chez nous, un séisme de plus ? 
     Mais nous remarquions aussi en partageant que celui qui provoque ce séisme est présenté comme plein de douceur et d’humilité. Il n’a rien d’un roi qui s’impose brutalement.
     Il y a des séismes qui nous durcissent : pas d’autre moyen pour avoir la force de tenir encore debout dans la tempête. Mais à travers les épreuves, il peut y avoir un autre séisme : la douceur et l’humilité d’un regard ouvrent une brèche dans notre carapace. Quelque chose est ébranlé, fissuré. Mais à travers ce bouleversement, les larmes ou la joie se fraient un passage : un Autre peut entrer. Nous laissons entrer le Christ, doux et humble, et le Christ nous rend à nous-mêmes. 
Bonne semaine sainte ! 
    

De l’évangile selon saint Matthieu
au chapitre 26 versets 55-75

 

     Jésus dit aux foules : « Suis-je donc un bandit, pour que vous soyez venus vous saisir de moi, avec des épées et des bâtons ? Chaque jour, dans le Temple, j’étais assis en train d’enseigner, et vous ne m’avez pas arrêté.» Mais tout cela est arrivé pour que s’accomplissent les écrits des prophètes. Alors tous les disciples l’abandonnèrent et s’enfuirent. Ceux qui avaient arrêté Jésus l’amenèrent devant Caïphe, le grand prêtre chez qui s’étaient réunis les scribes et les anciens.

     Quant à Pierre, il le suivait à distance, jusqu’au palais du grand prêtre ; il entra dans la cour et s’assit avec les serviteurs pour voir comment cela finirait.Les grands prêtres et tout le Conseil suprême cherchaient un faux témoignage contre Jésus pour le faire mettre à mort. Ils n’en trouvèrent pas ; pourtant beaucoup de faux témoins s’étaient présentés. Finalement il s’en présenta deux, qui déclarèrent : « Celui-là a dit : “Je peux détruire le Sanctuaire de Dieu et, en trois jours, le rebâtir.” » Alors le grand prêtre se leva et lui dit : « Tu ne réponds rien ? Que dis-tu des témoignages qu’ils portent contre toi ? »

    Mais Jésus gardait le silence. Le grand prêtre lui dit : « Je t’adjure, par le Dieu vivant, de nous dire si c’est toi qui es le Christ, le Fils de Dieu. » Jésus lui répond : « C’est toi-même qui l’as dit ! En tout cas, je vous le déclare : désormais vous verrez le Fils de l’homme siéger à la droite du Tout-Puissant et venir sur les nuées du ciel. » Alors le grand prêtre déchira ses vêtements, en disant : « Il a blasphémé ! Pourquoi nous faut-il encore des témoins ? Vous venez d’entendre le blasphème ! Quel est votre avis ? » Ils répondirent : « Il mérite la mort. » Alors ils lui crachèrent au visage et le giflèrent ; d’autres le rouèrent de coups en disant : « Fais-nous le prophète, ô Christ ! Qui t’a frappé ? »

 

     Cependant Pierre était assis dehors dans la cour. Une jeune servante s’approcha de lui et lui dit : « Toi aussi, tu étais avec Jésus, le Galiléen». Mais il le nia devant tout le monde et dit : « Je ne sais pas de quoi tu parles ». Une autre servante le vit sortir en direction du portail et elle dit à ceux qui étaient là : « Celui-ci était avec Jésus, le Nazaréen. » De nouveau, Pierre le nia en faisant ce serment : « Je ne connais pas cet homme. » Peu après, ceux qui se tenaient là s’approchèrent et dirent à Pierre : « Sûrement, toi aussi, tu es l’un d’entre eux ! D’ailleurs, ta façon de parler te trahit. » Alors, il se mit à protester violemment et à jurer : « Je ne connais pas cet homme. » Et aussitôt un coq chanta. Alors Pierre se souvint de la parole que Jésus lui avait dite : « Avant que le coq chante, tu m’auras renié trois fois. » Il sortit et, dehors, pleura amèrement.
    

Traverser la peur avec le Christ

 

   

     Combien la peur, l’inconscience et la pression du mal peuvent faire changer le coeur de l’homme Ceux qui ont acclamé Jésus lors de son entrée à Jérusalem sont pour une grande part sans doute les mêmes qui demandent devant Pilate sa crucifixion…

     En ce temps de pandémie et de confinement, il y a ceux qui applaudissent les soignants et ceux qui invectivent les infirmières venues faire simplement leurs courses pour qu’elles se tiennent à distance parce qu’ils ont peur. Le dicton le dit bien : la peur est mauvaise conseillère… et quand la désinformation s’en mêle – et elle est beaucoup plus grande et efficace à notre époque qu’à celle de Jésus Christ – alors elle peut renverser les opinions, elle peut ébranler les convictions voire la foi en Celui à qui nous avons remis notre vie, par qui nous avons la Vie.
     Cette peur Jésus l’a vaincue alors qu’il était au Jardin des Oliviers en s’abandonnant par un effort de volonté puissant. Jésus est vraiment homme et vraiment Dieu. Son humanité a été ébranlée par la peur mais elle ne l’a pas terrassée. Sa prière s’est faite plus ardente dans l’épreuve et il put se lever et aller vers sa Passion qui fut, nous le savons, extrêmement cruelle et douloureuse.
     Ses apôtres et disciples ont tous – sauf un dit l’évangile de Jean – été dispersés par cette peur. Ils ont eu peur d’être associé à un condamné et d’avoir à vivre le même supplice, peur de la mort en définitive. Pourtant, ces mêmes apôtres ont vécu trois ans avec le Seigneur et vu ses miracles de leurs yeux. Le dernier étant la résurrection de Lazare. Mais qu’aurions-nous fait à leur place ? La peur irrationnelle quand elle s’empare de quelqu’un le plus spirituel et instruit qu’il soit, peut lui faire perdre tous ses moyens et même renoncer à ce qu’il croyait avoir de plus cher à ses yeux et pour les disciples que nous sommes, cela voudrait dire renoncer à Jésus Christ.
     C’est pourquoi en ce moment où les chrétiens d’une multitude de pays sont confinés et peut-être ébranlés par la peur, il est bon de vivre plus étroitement la Passion du Seigneur et de prier à ses côtés. À ses côtés comme Marie, sa Mère l’a été – sans doute beaucoup plus que les évangiles nous le relatent – nous pourrons voir son courage, sa force dans son extrême faiblesse, sa beauté dans son extrême défiguration, son amour dans son extrême humiliation. Ce faisant, nous puiserons à une source de grâce qui nous fera traverser l’épreuve dans laquelle nous sommes tous plongés.
     Les récits de la Passion du Christ ont été les premières lignes écrites dans les évangiles. Ils sont depuis des siècles un lieu inépuisable de grâce. Le Christ se rendra présent – au sens fort du terme – dans le coeur de ceux qui le suivront de près en ces jours Saints et particulièrement en ce temps d’épreuve. Le Seigneur connaît la détresse des hommes d’aujourd’hui et Il est assez puissant pour rejoindre personnellement chaque personne qui croit en lui si isolée, si apeurée, si souffrante qu’elle soit. Le Seigneur n’est pas lié par des lieux, par l’espace, par le temps. S’il se donne par les sacrements, il peut se donner autrement car rien n’est impossible à Dieu.
     Alors le peuple de Dieu s’unissant en Jésus sera réellement uni, sera réellement réuni peut-être plus réellement que jamais une assemblée de nos églises l’a peut-être été car le Christ Jésus nous invite tout particulièrement en cette Semaine Sainte 2020 à vivre au sens, je dirais presque physique, la communion des Saints. Cette communion que lui, Jésus, veut entre tous ses disciples. Cette communion se fera à travers ce qui fait le coeur de notre foi et le coeur de la vie de Jésus Christ : sa Passion et sa Résurrection. Amen.
   

Apporter au Christ non des rameaux
mais toute notre vie revêtue de sa grâce

 

      Venez, gravissons ensemble le mont des Oliviers; allons à la rencontre du Christ. Il revient aujourd’hui de Béthanie et il s’avance de son plein gré vers sa sainte et bienheureuse passion, afin de mener à son terme le mystère de notre salut. Il vient donc, en faisant route vers Jérusalem, lui qui est venu du ciel pour nous, alors que nous étions gisants au plus bas, afin de nous élever avec lui, comme l’explique l’Écriture, « au-dessus de toutes les puissances et de tous les êtres qui nous dominent, quel que soit leur nom. » Mais il vient sans ostentation et sans faste. Car, dit le prophète, « il ne protestera pas, il ne criera pas, on n’entendra pas sa voix ». Il sera doux et humble, il fera modestement son entrée.
 
     Alors, courons avec lui qui se hâte vers sa passion ; imitons ceux qui allèrent au-devant de lui. Non pas pour étendre sur son chemin, comme ils l’ont fait, des rameaux d’olivier, des vêtements ou des palmes. C’est nous-mêmes qu’il faut abaisser devant lui, autant que nous le pouvons, par l’humilité du cœur et la droiture de l’esprit, afin d’accueillir le Verbe qui vient, afin que Dieu trouve place en nous, lui que rien ne peut contenir.
 
     C’est ainsi que nous préparerons le chemin au Christ : nous n’étendrons pas des vêtements ou des rameaux inanimés, des branches d’arbres qui vont bientôt se faner, et qui ne réjouissent le regard que peu de temps. Notre vêtement, c’est sa grâce, ou plutôt c’est lui tout entier que nous avons revêtu : « Vous tous que le baptême a unis au Christ, vous avez revêtu le Christ. » C’est nous-mêmes que nous devons, en guise de vêtements, déployer sous ses pas. « Par notre péché », nous étions d’abord « rouges comme la pourpre, » mais le baptême de salut nous a nettoyés et nous sommes devenus ensuite « blancs comme la laine ». Au lieu de branches de palmier, il nous faut donc apporter les trophées de la victoire à celui qui a triomphé de la mort. Nous aussi, en ce jour, disons avec les enfants, en agitant les rameaux qui symbolisent notre vie : « Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur, le roi d’Israël ! »
  
De saint André de Crête au VIIIe siècle- Homélie pour le Dimanche des Rameaux ; PG 989-99
    
   

Passer par les portes du narthex

 Une pièce entre le dehors et le dedans. Le narthex, dans la basilique de Vézelay, ce n’est plus le vent et le soleil (bien présents ces jours-ci !) de l’extérieur, et pas déjà la nef, que l’on aperçoit à travers les portes. Une pièce carrée, qui n’invite pas à avancer, mais à se poser un moment. Un espace roman, dépouillé, où l’on ne décore que les éléments particulièrement importants. Le pèlerin, reprenant son souffle, les découvre peu à peu : trois tympans sont sculptés, mettant en valeur les trois portes qui permettent d’entrer dans l’église elle-même.  Au seuil de cette semaine sainte, le narthex de Vézelay nous invite à nous poser un instant. Celui qui s’arrête sent le poids de la fatigue, la joie de l’effort accompli aussi. Il se souvient surtout du but de sa marche.

      Ensuite, le pèlerin se lève et s’avance : il a aperçu, au-dessus de la porte principale, un Christ qui ouvre largement ses bras pour l’accueillir. Passer, cela semble si simple… Et pourtant, en s’approchant, il distingue mieux les scènes représentées en arc de cercle autour du Christ : des personnages inquiétants ou inconnus,des hommes confrontés à la maladie, à la guerre, au mal… Passer, est-ce que cela voudrait dire se reconnaître frère de tous ceux-là ? Est-ce que cela demanderait de confesser que, comme ces peuples, il a besoin de quelque chose qu’il ne peut se donner à lui-même? Peut-être a-t-il déjà fait sur sa route l’expérience qu’il ne pouvait s’en sortir seul, et d’autres lui ont tendu la main au bon moment. Aujourd’hui, devant le Christ, il est invité à reconnaître qu’il lui est bon se laisser sauver.

 

     Dans la liturgie des rameaux, il y a d’ordinaire le rite d’ouverture des portes : c’est la croix, frappant à trois reprises sur les portes, qui les ouvre. Et nous passons derrière la croix, sûrs qu’aucun verrou ne tiendra jamais devant l’amour qui se donne tout entier. Aujourd’hui, nous ne pouvons pas sortir de chez nous. Nous sommes peut-être enfermés dans la peur ou le découragement. Mais nous pouvons nous approcher de ce Christ qui semble danser dans sa joie de nous rejoindre. Il dit : “Moi, je suis la porte. Si quelqu’un entre par moi, il sera sauvé” (Jn 10,9) Vézelay nous rappelle qu’il y a une porte qui s’ouvre toujours. Le Christ n’enferme pas, il ne retient pas. Il s’ouvre tout grand à l’amour du Père qui le sauve, et il nous emmène avec lui. 
   
 Nous espérons que ce lien de prière vous aidera à vous laisser conduire jusqu’à la joie de la résurrection ! Nous vous donnons donc rendez-vous dimanche.
     Bien fraternellement, 

     les frères et soeurs de Vézelay

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